Un salarié peut-il refuser une visite médicale en invoquant ses convictions religieuses ?
Les salariés doivent bénéficier d’un suivi médical dans le cadre de leur contrat de travail et ce, obligatoirement. L’employeur doit veiller à ce que ces visites se tiennent dans de bonnes conditions et surtout, à ce que les employés les passent en raison de son obligation de sécurité de résultat qui pèse sur lui.
Depuis la loi Travail du 22 Août 2016, la visite médicale d’embauche systématique pour tous les salariés n’existe plus et ce, depuis le 1er Janvier 2017. Cette visite médicale étant remplacée par une simple visite d’information et de prévention organisée après l’embauche.
Le médecin du travail est dans l’obligation de vérifier l’aptitude médicale du salarié dans les 3 mois de son embauche
Peut-on refuser une visite médicale ? Il existe de nombreuses raisons qui poussent un salarié à refuser une visite médicale. Par exemple, un employé peut refuser de passer une visite médicale du travail en invoquant ses convictions religieuses.
Que peut-on faire face à cette demande ?
I) Les différentes visites médicales
Il faut savoir qu’il existe dans le domaine du travail divers types de visites médicales :
- La visite d’information et de prévention ou l’examen d’aptitude médical,
- La visite périodique,
- La visite de pré-reprise,
- La visite de reprise,
- La visite à la demande du salarié ou de l’employeur,
- Des examens complémentaires décidés par le médecin du travail.
Ces diverses visites médicales sont présentes aux articles R-4624-10 et suivants du Code du travail
A) L’objet de la visite médicale d’information et de prévention
Depuis le 1er janvier 2017, la visite d’information et de prévention à remplacer la visite médicale d’embauche. Cette visite peut être effectuée par le médecin du travail. Elle doit être réalisée dans un délai maximum de 3 mois à compter de l’embauche. Elle remplace la visite médicale obligatoire d’embauche. Cette visite n’a pas pour objet de s’assurer de l’aptitude médicale du salarié à occuper son poste Il s’agit d’un entretien durant lequel le salarié est interrogé.
Elle a pour objet :
- De l’interroger sur son état de santé,
- De l’informer sur les risques éventuels auxquels l’expose son contrat de travail,
- De le sensibiliser sur les moyens de prévention à mettre en œuvre,
- D’identifier si son état de santé ou les risques auxquels il est exposé nécessitent une orientation vers un médecin du travail,
- De l’informer sur les modalités de suivi de son état de santé par le service et sur la possibilité dont il dispose, à tout moment, de bénéficier d’une visite à sa demande avec le médecin du travail.
Cette visite est obligatoire pour tous les salariés, en CDD ou CDI.
B) L’objet de la visite médicale périodique
Cette visite médicale est fixée par le médecin du travail au regard :
- Des conditions de travail,
- L’âge,
- L’état de santé
- Les risques auxquels le salarié est exposé.
La périodicité ne peut aller au-delà de 5 ans. Avant 2017, le salarié devait passer une visite médicale périodique tous les deux ans. En revanche, la périodicité ne peut excéder 3 ans pour :
- Les travailleurs handicapés,
- Les travailleurs titulaires d’une pension d’invalidité,
- Les travailleurs de nuit,
- Les travailleurs exposés à certains risques (travailleurs exposés à des matières chimiques ou nucléaires
C) L’objet de la visite de pré-reprise
Cette visite médicale est obligatoire lorsqu’un salarié est sur le point de reprendre son emploi suite à une absence de plus de 3 mois.
D) L’objet de la visite de reprise
Cette visite médicale est obligatoire pour tout salarié ayant subi un arrêt du travail de plus de 30 jours :
- Suite à un accident du travail,
- Suite à congé maternité,
- Suite à un arrêt découlant d’une maladie professionnelle ou d’un accident non professionnel.
Elle doit être organisée au plus tard 8 jours après la reprise du travail.
Cette visite médicale doit aussi avoir lieu lorsqu’un salarié est placé en invalidité préalablement à la décision du médecin du travail de vérifier l’aptitude du salarié à son poste.
II) Le refus de passer une visite médicale
A) Les cas de dispense
1) Lors de la visite d’information et de prévention
Un salarié peut être dispensé d’une telle visite s’il a bénéficié d’une telle visite dans les 5 ans précédant son embauche sur un emploi identique et ayant des risques d’exposition équivalents. Cette dispense est possible sous réserve de n’avoir eu aucune mesure individuelle d’aménagement de poste ni aucun avis d’inaptitude depuis 5 ans.
De plus, le médecin de travail doit posséder la dernière attestation de suivi ou du dernier avis d’aptitude du travailleur. Pour les travailleurs handicapés, de nuit ou titulaires d’une pension d’invalidité, la durée est ramenée à 3 ans au lieu de 5.
2) Lors du suivi médical renforcé pour les postes « à risques »
Un examen médical d’aptitude doit être réalisé par le médecin du travail avant l’affectation du salarié sur son poste et se substitue à la visite d’information et de prévention.
En revanche, il peut être dispensé de cette visite :
- Lorsqu’il a été déclaré apte dans les 2 ans précédant son embauche
- Être appelé à occuper un emploi identique et présentant des risques d’exposition équivalents
- Ne pas avoir subi une quelconque mesure individuelle d’aménagement de poste ni aucun avis d’inaptitude depuis 2 ans.
B) Les convictions du salarié
1) Une obligation qui pèse sur l’employeur
Le salarié peut-il s’opposer à la tenue d’une visite médicale le visant ?
Il faut savoir en premier lieu que la loi impose aux salariés de se soumettre à des visites médicales obligatoires (articles L.1121-1 et L.1321-3 du code du travail).
Toutes ces visites ont pour objectif de vérifier l’aptitude du salarié à exercer son activité professionnelle. A côté de cette obligation légale qui pèse sur les parties, c’est aussi au nom d’une obligation de sécurité de résultat que l’employeur doit organiser ces visites médicales.
La Cour de cassation, dans une décision du 18 décembre 2013 pose un principe très clair : si la visite médicale d’embauche n’a pas lieu, l’employeur est responsable et engage sa responsabilité sur le fondement de la violation de son obligation de sécurité de résultat.
L’obligation de sécurité de résultat est une obligation qui engage la responsabilité de l’entreprise et ce, même en l’absence d’atteinte à la santé du salarié.
Pour la Cour de cassation, l’obligation générale de sécurité de l’employeur, créée par sa jurisprudence, couvre aussi le respect de l’ensemble des règles écrites qui sont édictées par le Code du travail, et qui ont pour but de protéger les salariés.
A ce titre, il doit aussi procéder aux visites médicales obligatoires périodiques.
La Cour a décidé, à plusieurs reprises, que l’employeur, qui avait l’initiative d’organiser ces visites, devait s’assurer qu’elles avaient bien lieu, même en relançant les Services de Médecine du Travail. Dans le cas contraire, sa responsabilité pourra être engagée, même en l’absence d’atteinte à la santé du salarié.
2) Le salarié peut-il s’opposer à la tenue d’une visite médicale le visant ?
La jurisprudence est claire et constante : le refus d’un salarié de se soumettre à un examen médical obligatoire peut justifier un licenciement.
Le salarié ne peut pas invoquer des convictions religieuses, politiques, philosophiques pour se soustraire à des obligations légales ou règlementaires, même si ces visites peuvent être perçues comme une restriction à la liberté religieuse.
Le salarié est surveillé médicalement mais, il est aussi soumis à des obligations. Les visites organisées par l’employeur sont obligatoires pour le salarié. Par conséquent, le salarié commet une faute lorsqu’il refuse de s’y soumettre.
En revanche, le salarié a droit de demander d’autres examens médicaux (Code du travail., article R.4624-17), le médecin du travail peut prescrire des examens complémentaires et l’employeur peut aussi demander des examens médicaux supplémentaires.
III) Comment faire face aux convictions d’un salarié ?
A) Les solutions qui s’offrent à l’employeur
Les convictions d’un salarié, qu’elles soient religieuses, philosophiques ou politiques posent divers soucis. Le premier serait qu’en raison des convictions de la personne, il y’a un risque de ne pas embaucher la personne, de le licencier voire le discriminer. Il est possible que l’on puisse perdre une personne compétente. L’employeur, les managers et RH doivent donc balayer les possibilités face au refus du salarié de se soumettre à ces obligations.
Il faut par conséquent agir, tout en respectant le cadre légal et veiller à proposer des solutions moins radicales que le licenciement. Une solution consensuelle, profitable à la fois pour l’employé et pour l’entreprise. La jurisprudence n’apporte qu’une solution qui est celle basée sur le principe de proportionnalité et, en cas d’impossibilité, conduire au licenciement du salarié.
Mais, est-ce véritablement la meilleure solution ? Les conséquences d’un licenciement sont peu profitables pour les parties : le licenciement a un coût mais en plus, il y’a la perte d’un employé formé à ce poste. Il faudra par la suite engager des coûts pour remplacer l’employé et le former dans la foulée.
Lorsque le licenciement s’avère être la seule solution envisagée, il est préférable de sanctionner une première fois par lettre recommandée avec accusé de réception en rappelant les motifs soulevés pas le salarié préalablement à un entretien pour un avertissement et non un entretien préalable au licenciement. Le but étant de pacifier les relations et privilégier le dialogue.
Il conviendra ainsi de rappeler à ce dernier l’avis de la HALDE (aujourd’hui le « défenseur des droits ») en date du 28 Mars 2011 sur le port de signes religieux au travail. Une autre délibération de la HALDE en date du 6 avril 2009 (délibération n° 2009–117) pourra aussi être rappelé, délibération conclue par la mention suivante : « il est admis que des impératifs de santé et de sécurité au travail puissent justifier une restriction à la liberté de religion et de conviction ».
Il conviendra de mentionner les articles L.1121-1 et L.1321-3 du code du travail. En effet, l’employeur a la possibilité d’interdire à un salarié le port de signes religieux, dans la mesure où cela est justifié par la nature des tâches à accomplir (relations avec le public ou la clientèle, incompatibilité avec la sécurité au travail, la santé ou l’hygiène) et proportionné au but recherché (un simple contact avec la clientèle ne suffit pas). Par la suite, il faudra fixer une nouvelle date dans ce courrier en précisant qu’à défaut, un reclassement pourrait se produire, voire une sanction pouvant aller jusqu’au licenciement qui se devra d’être l’ultime solution.
B) Les cas de licenciement du salarié
Il avait été dit que, le refus du salarié de se soumettre à une visite médicale constituait une faute pouvant justifier une sanction ou un licenciement. Le refus peut aussi être interprété comme une présomption d’inaptitude médicale.
Un refus systématique et prolongé justifie aussi un licenciement : le refus de se rendre aux convocations du médecin du travail justifie un licenciement pour faute grave (Cour de Cassation, chambre sociale 18 Octobre 1989).
En revanche, le refus d’un salarié de se soumettre à une visite médicale obligatoire pour des motifs religieux est une cause réelle et sérieuse de licenciement et non une faute grave (Cour de Cassation, chambre sociale 29 Mai 1986)
Pour que le licenciement soit valide, ce dernier doit se produire suite à des injonctions répétées de l’employeur incitant le salarié à se rendre à la visite médicale obligatoire. Il sera ainsi totalement justifié (matière (Cour de Cassation, chambre sociale 17 Octobre 2000).
Il faut aussi savoir que, l’employeur doit sanctionner le refus du salarié et ne peut pas juste interdire au salarié de reprendre son travail (Cour de Cassation, chambre sociale 12 Mars 1987).
En revanche et en attendant une sanction disciplinaire, couplé au refus persistant d’un salarié de se soumettre à la visite médicale obligatoire de reprise, l’employeur peut interdire au salarié de reprendre son travail. (Cour de Cassation, chambre sociale 26 Mai 1983).