Juridique

Droit du travail : Relations individuelles du mois de mai 2017

Dans cette tribune proposée par Jacques Brouillet nous ferons le tour des actualités Juridique liées aux Relations Individuelles, au programme : intérim, temps partiel, ressources humaines, insuffisance professionnelle, salaire, travail dissimulé

INTÉRIM – L’indemnité compensatrice de congés payés doit être calculée en excluant les primes versées pour l’année, telles qu’une prime de 13ème mois, de vacances, etc. Cass. Soc. 01.03.2017 n° 15-16.988 Liaisons Sociales du 10.03.2017

  • La Cour de Cassation rejoint ainsi la position déjà jugée pour les salariés permanents.

VISITE DE REPRISE INITIÉE PAR LE SALARIÉ – L’employeur doit en être informé au préalable, sinon cette visite ne peut être considérée comme visite de reprise. Cass. Soc. 08.02.2017 n° 15-27.492

LES EMPLOYÉS DE MAISON À TEMPS PARTIEL… … doivent bénéficier de la visite médicale de reprise après un arrêt maladie de plus de 30 jours. Cass. Soc. 11.01.2017 n° 15-10.281 et Art. 22 de la CCN des salariés du particulier

LE SALARIÉ PROTÉGÉ DONT LE LICENCIEMENT… … est annulé a droit au maintien de son salaire jusqu’à l’expiration de la période de protection, dans la limite de 2 ans augmentée de 6 mois. Cass. Soc. 01.02.2017 n° 15-18.244

REQUALIFICATION D’UN CDD EN CDI – Le juge doit condamner l’employeur à une indemnité minimum d’un mois. Cass. Soc. 02.03.2017 n° 16-10.263
Mais le salarié en CDD dont le contrat s’est poursuivi après l’échéance du terme ne peut pas prétendre à une indemnité de requalification. Cass. Soc. 02.03.2017 n° 15-28.136

TEMPS D’HABILLAGE ET DE DÉSHABILLAGE – Il doit faire l’objet de contreparties en temps de repos ou sous forme financière, mais seulement si ces opérations sont imposées et se réalisent dans l’entreprise. Cass. Soc. 01.03.2017 n° 15-10.305, 306 et 307

IL CONVIENT QUE L’EMPLOYEUR PROUVE… … qu’il a effectivement réglé les cotisations de retraite. Le bulletin de paie ne suffit pas. Cass. Soc. 02.03.2017 n° 15-22.759

UN RESPONSABLE DES RESSOURCES HUMAINES D’UN MAGASIN DE GRANDE DISTRIBUTION EST LICENCIÉ POUR FAUTE… … dès lors qu’il :

  • Avait une parfaite connaissance du management agressif du directeur du magasin,
  • N’a rien fait pour y mettre fin, alors qu’en raison de ses fonctions il lui appartenait d’assurer la protection de la santé physique et morale des salariés. Cass. Soc. 08.03.2017 n° 15-24.406
  • La protection de la santé des salariés est de plus en plus souvent invoquée.

LE LICENCIEMENT POUR INSUFFISANCE PROFESSIONNELLE… … est abusif dès lors que la faiblesse de ses résultats est imputable à des absences de personnel et à la reprise de son activité à temps partiel après un congé maternité. Cass. Soc. 22.02.2017 n° 15-25.023

  • La Cour de Cassation confirme sa jurisprudence.

L’INDEMNITÉ TRANSACTIONNELLE QUI RÉMUNÈRE… … des contraintes liées à l’activité est soumise à cotisation. Cass. Soc. mars 2017

REVIREMENT DE JURISPRUDENCE – Les primes de panier et indemnités de transport forfaitaires sont des frais professionnels exonérés de charges sociales, Cass. Soc. 11.01.2017 n° 15-23.341 contrairement à la position de la Cour de Cassation depuis un arrêt Cass. Soc. 01.04.1992 n° 88-42.067

  • Par contre, ces primes et indemnités n’entrent pas dans le calcul des indemnités de maintien de salaire en cas de maladie, ni de congés payés, ni de l’indemnité de licenciement.

LICENCIEMENT VERBAL – Il ne peut être régularisé par la suite et constitue un licenciement abusif. Cass. Soc. 10.01.2017 n° 15-13.007

  • Attention : le salarié doit pouvoir prouver que l’employeur lui a donné l’ordre de quitter l’entreprise.

UN LICENCIEMENT POUR FAUTE LOURDE… … peut engager la responsabilité civile du salarié si la faute présente un caractère de gravité exceptionnel démontrant en outre l’intention de nuire. 3 arrêts Cass. Soc. 25 et 26.01.2017 n° 14-26.071, 15-21.352 et 15-27.365

LICENCIEMENT POUR INAPTITUDE DÉCLARÉ SANS CAUSE RÉELLE ET SÉRIEUSE ? Dans ce cas, l’employeur ne peut être condamné à rembourser les allocations chômage. Cass. Soc. 11.01.2017 n° 15-10.594 LE

REPORT D’UNE PARTIE DU SALAIRE SUR LE MOIS SUIVANT EST ILLICITE. Cass. Soc. 07.02.2017 n° 15-18.162

LA PREUVE DU PAIEMENT DU SALAIRE… … incombe à l’employeur. La Cour de Cassation infirme l’arrêt de la Cour d’Appel qui avait débouté le salarié de sa demande bien qu’il ne l’ait formulée que 2 ans après sans contester ses bulletins de salaire.

  • C’est à l’employeur de prouver le paiement par la production de pièces comptables. Art. L 3243-3 du Code du Travail Cass. Soc. 08.02.2017 n° 15-24.030

PRESCRIPTION DES FAITS FAUTIFS AU-DELÀ DE 2 MOIS À COMPTER DU JOUR OÙ L’EMPLOYEUR EN A CONNAISSANCE ? Cela n’empêche pas l’employeur d’invoquer des faits antérieurs si le comportement du salarié s’est réitéré. Cass. Soc. 19.01.2017 n° 15-24.404

TRAVAIL DISSIMULÉ

1) En faisant appel à 3 personnes déclarées sous statut d’autoentrepreneur et une autre comme stagiaire, la société et son gérant sont condamnés pour travail dissimulé. Cass. Crim. 10.01.2017 n° 15-86.580

2) La décision du juge répressif de constater l’absence d’intention frauduleuse ne prive pas le juge civil de constater le travail dissimulé et de condamner au redressement URSSAF. Cass. 2 e Civ. 09.07.2015 n° 14-21.490 Confirmé par Orléans 24.01.2017 n° 15-01.424

LE BÉNÉFICE DES DISPOSITIONS D’UN PSE… … ne peut être subordonné à la signature d’une transaction. Cass. Soc. 19.01.2017 n° 15-20.421

EUROPE : SALARIÉ DÉTACHÉ

1) Le lieu de travail déterminant la juridiction compétente en cas de litige avec un salarié détaché en Europe est l’endroit où celui-ci accomplit la majeure partie de son temps de travail. Cass. Soc. 19.01.2017 n° 15-13.599

  • Ne pas oublier que le contrat peut préciser dans ce cas quel sera le tribunal compétent.

2) Et ceci même si le contrat prévoyait que la loi allemande était applicable.

  • Ne pas confondre le choix de la loi applicable et celui du tribunal compétent… même si une distorsion entre les deux complexifie le problème.

3) Dès lors que le salarié avait travaillé 2 ans en Allemagne, puis 44 mois en France où il avait établi son domicile et exercé son activité, c’est ce dernier lieu d’emploi qui doit être retenu.

4) Un salarié embauché à Londres mais qui, par avenant, était autorisé à travailler et habiter à Paris d’où il faisait de nombreux voyages en Europe relève du Droit français. Cass. Soc. 19.01.2017 n° 15-20.095

PRISE D’ACTE DE RUPTURE – Une salariée qui n’avait perçu aucune rémunération pour les heures supplémentaires effectuées en 2007 peut valablement, en 2009, prendre acte de la rupture. Cass. Soc. 26.01.2017 n° 15-24.985

TEMPS PARTIEL – Ni le dépassement des heures complémentaires au-delà du 10ème de temps contractuel, ni le défaut de mention dans le contrat des limites de celles-ci n’entraînent la requalification en contrat à temps complet. Cass. Soc. 25.01.2017 n° 15-16.708

HARCÈLEMENT MORAL – L’octroi de dommages intérêts pour harcèlement moral n’empêche pas une demande distincte pour préjudice moral. Cass. Soc. 02.02.2017 n° 15-26.892

INAPTITUDE – L’avis du médecin du travail pour inaptitude à tout poste dans l’entreprise ne dispense pas l’employeur de son obligation de recherche de reclassement dans cette entreprise et, le cas échéant, le groupe. Mais les réponses apportées ultérieurement par le médecin justifient l’impossibilité par l’employeur de remplir cette obligation. Cass. Soc. 01.02.2017 n° 15-26.207

AMIANTE – La Cour d’Appel de Bruxelles a condamné la société Eternit le 28 mars (après 17 ans de procédure !) à verser (seulement) 25 000 € aux descendants d’une femme décédée en 2000 peu après le dépôt de sa plainte. Elle a considéré que la société Eternit connaissait bien depuis 1970 les risques de l’amiante.

  • En France, depuis 20 ans, des milliers d’actions ont été engagées chaque année, avec les premiers arrêts favorables de la Cour de Cassation en 2002. L’association ANDEVA réclame des procès au pénal pour juger tous les responsables. L’usage de l’amiante a été interdit en 1997 mais serait responsable de 3 000 décès par an. On prévoit encore 100 000 décès d’ici 2025. Le Monde du 30.03.2017

LA POURSUITE (PROVISOIRE) D’UN CDD QUI S’EST PROLONGÉ… … au-delà de son terme peut être ordonnée en référé, dans l’attente d’un jugement sur le fond. Cass. Soc. 08.03.2017 n° 15-18.550

INFRACTION ROUTIÈRE – PRISE EN CHARGE PAR L’EMPLOYEUR DES AMENDES – Dans ce cas, le montant est soumis à charges sociales car il constitue un avantage en nature. De plus, l’employeur qui ne divulgue pas le nom du salarié auteur de l’infraction encourt une amende de 4ème classe qu’il doit régler personnellement. Cass. 2e Civ. 09.03.2017 n° 15-27.538

LE CUMUL DES SANCTIONS (PÉCUNIAIRE À L’OFII + PÉNALE) EN CAS… … d’emploi illégal d’un étranger n’est pas contraire à la constitution et au principe de proportionnalité. Conseil constitutionnel 30.03.2017 n° 2016-621

QPC MALADIE PROFESSIONNELLE – Les pièces médicales ne figurent pas dans le dossier remis à l’employeur. Cass. 2e Civ. 09.03.2017 n° 15-29.070

TICKETS RESTAURANTS – L’employeur peut prélever sur le bulletin de paie la part à la charge du salarié. Cass. Soc. 01.03.2017 n° 15-18.333

L’EMPLOYEUR DOIT DÉLIVRER L’ATTESTATION PÔLE EMPLOI… … au salarié démissionnaire. Cass. Soc. 15.03.2017 n° 15-21.232

COMPÉTENCE DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – Désormais, pour le prochain mandat, la compétence de chaque section sera déterminée par la convention collective, sauf pour le personnel d’encadrement.

FAUTE LOURDE OU FAUTE GRAVE ? La faute lourde est caractérisée, outre par la gravité de la faute, mais aussi par l’intention délibérée de nuire. Depuis la décision du Conseil Constitutionnel du 2 mars 2016 déclarant inconstitutionnelle la privation de l’indemnité compensatrice de congés payés en cas de faute lourde, on pourrait penser qu’il n’y a plus guère d’intérêt à invoquer la faute lourde, d’autant qu’il n’est pas évident pour l’employeur de démontrer l’intention de nuire.

  • En fait, la qualification de faute lourde n’est utile que si l’employeur entend être indemnisé du préjudice subi. Cass. Soc. 08.02.2017 n° 15-21.064

CO-EMPLOYEUR DANS LE CAS… … d’un salarié d’une société-mère mis à disposition d’une filiale société utilisatrice ? Cass. 2e Civ. 09.02.2017 n° 15-24.035 La Cour de Cassation a estimé que, dès lors que la mise à disposition a été effectuée régulièrement (en conformité avec les critères établis par la Loi Cherpion du 28.07.2011), il ne s’agit pas d’un prêt de main-d’œuvre illicite. En conséquence, le salarié ne peut poursuivre la société utilisatrice en la considérant comme co-employeur.

En effet, selon une jurisprudence désormais bien établie, l’existence d’un co-emploi suppose que l’indépendance juridique des sociétés en cause n’existe pas dans 4 cas précis :

  • La confusion des sociétés,
  • La perte d’autonomie de la filiale,
  • Le caractère fictif de la filiale,
  • Le recours, pour le recrutement, à une filiale dont c’est le seul objet.
    • Jurisprudence Sociale Lamy 24.03.2017

Jacques Brouillet
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Jacques Brouillet

Il a été directeur associé au Cabinet FIDAL jusqu’en octobre 2008. Il est actuellement avocat au barreau de Paris et conseiller scientifique du cabinet ACD. Jacques BROUILLET Cabinet ACD Avocat au barreau de Paris j.brouillet@acd.fr – tél. 01 42 67 79 78