Etude sur le fait religieux en entreprise
Lieu de travail mais également de sociabilité et de vie, l’entreprise n’est pas uniquement un espace d’activité économique. Alors que se multiplient les initiatives invitant les salariés à échanger et à s’exprimer davantage (espaces de coworking ou de sociabilité, heures réservées au développement de projets personnels, etc.), les questions d’identité personnelle et de liberté d’expression prennent une importance grandissante. A la lisière entre expression libre de soi et respect des règles de vie en collectivité, l’expression de sa religion en entreprise est aujourd’hui une zone encore floue qui semble manquer de définitions, de limites et d’arbitrages clairs. Sujet sensible tant pour les salariés que pour les représentants du personnel et les dirigeants d’entreprises, le fait religieux est à l’origine de nombreux questionnements. Les parties prenantes, ont parfois du mal à exprimer des prises de positions claires.
Afin d’affiner la compréhension de ce sujet de société, et mieux percevoir concrètement comment le fait religieux cristallise les réactions de chacun, l’IST, le Crif et le Figaro se sont associés à l’institut Harris Interactive pour interroger dirigeants et représentants du personnel sur leurs propres représentations et déclarations d’expérience.
Les dirigeants semblent majoritairement défavorables à une expression trop formalisée du fait religieux en entreprise. Ils restent ouverts à certaines expressions permettant à une personne de respecter des pratiques religieuses qui ne remettent pas en cause la neutralité de l’entreprise en la matière, qui n’impactent pas son fonctionnement. Ils sont fermement opposés aux pratiques qui induisent un rejet de l’autre. Les représentants du personnel sont sur une ligne similaire.
Concrètement, le fait religieux touche, nous disent les dirigeants, près d’une entreprise sur cinq. Deux types d’expression se distinguent particulièrement : les demandes de congés liées à des fêtes religieuses qui ne seraient pas déjà un jour férié (53% des dirigeants en font état) ou des prières (48%). Le port de signes ostentatoires (27%) mais également la demande d’aménagement du temps de travail pour raisons religieuses (25%) ou encore le refus de serrer la main à une personne de l’autre sexe (24%) font également partie des faits les plus cités.
Les dirigeants d’entreprises et représentants du personnel gèrent le fait religieux en entreprise dans une volonté de dialogue avant tout, et sont plutôt dans une démarche d’anticipation. Que ce soit face à son expression, ou encore dans la perspective d’y être confrontés, ils privilégient le fait de convoquer la personne concernée pour échanger avec elle (47%) ou de demander une intervention des supérieurs hiérarchiques (37%) ou des Ressources Humaines (33%). 37% des dirigeants qui ont été confrontés au fait religieux dans leur entreprise affirment avoir aujourd’hui mis en place dans leur règlement intérieur des dispositifs relatifs au fait religieux en entreprise.
EN DÉTAIL
Les dirigeants majoritairement défavorables à l’expression trop formalisée du fait religieux en entreprise
- Interroger les dirigeants d’entreprise sur la question du fait religieux n’est pas simple : pour certains, il s’agit d’un sujet trop sensible pour être évoqué au sein d’une enquête d’opinion, rendant particulièrement complexe la collecte de données (nombre de dirigeants n’ont pas souhaité répondre aux questions que nous leurs posions).
- Néanmoins, force est de constater que, chez ceux acceptant de s’exprimer, le fait religieux est majoritairement considéré comme n’étant pas légitime à prendre une trop grande place au sein de la vie de l’entreprise. Près de 9 dirigeants sur 10 (88%) excluent d’effectuer des aménagements d’espaces comme des salles de prière ou de voir se développer des aménagements de travail formels dus à la religion (84% opposés) dans leur entreprise. Le port du voile, dont la présence dans de nombreux espaces publics est questionnée, constitue également une forme d’expression religieuse à laquelle les dirigeants sont largement opposés (79%). Quoiqu’ils y soient toujours majoritairement réfractaires, les dirigeants d’entreprise se montrent néanmoins légèrement plus ouverts à des aménagements non-formels, gérés au niveau du N+1 du ou des salariés concernés : 68% d’entre eux s’expriment contre ce type de pratique, laissant 28% plutôt favorables à ce type de négociation. L’expression du fait religieux n’est donc pas accueillie très favorablement dans la vie de l’entreprise, encore moins s’il s’agit de lui faire une place formalisée dans son mode de fonctionnement et très défavorablement lorsqu’elle induit un rejet de l’autre. Cette vision développée parmi les dirigeants de l’entreprise est largement partagée par les représentants du personnel.
- Pour autant, si l’adaptation de l’entreprise à des manifestations religieuses est exclue par la majorité des dirigeants, ils restent ouverts à certaines expressions permettant à une personne de respecter ses pratiques religieuses sans remettre en cause la neutralité de l’entreprise en la matière. Ainsi, 93% sont ouverts à ce qu’une personne pose un jour de congé pour raisons religieuses, 92% estiment acceptable que les restaurants d’entreprise proposent systématiquement des plats végétariens et 83% sont ouverts à l’idée qu’un salarié puisse jeûner pendant ses heures de travail. A l’inverse, les comportements induisant un rejet des autres salariés sont majoritairement exclus par les dirigeants : 54% d’entre eux estiment inacceptable qu’un salarié refuse de manger avec ses collègues et, surtout, plus de 90% écartent l’idée qu’un salarié puisse refuser de serrer la main à une personne de l’autre sexe ou de s’asseoir là où elle était assise. Les dirigeants se montrent ainsi farouchement opposés à l’idée d’accepter une inégalité de traitement ou des tensions sensibles entre les salariés de leur entreprise et notamment entre les hommes et les femmes. Tout comme ils se montrent peu enclins à accepter l’installation de salles de prière ou à des signes religieux visibles, les dirigeants trouvent majoritairement inacceptable qu’une personne souhaite l’aménagement de ses horaires pour prier (79%), les représentants du personnel sont légèrement au-dessous sur ce sujet (qu’ils trouvent inacceptable à hauteur de 62% d’entre eux).
- Fondamentalement, pour les dirigeants, comme d’ailleurs pour les représentants du personnel, les manifestations religieuses sont donc acceptées tant qu’elles restent à la discrétion du seul salarié et n’impliquent pas de répercussions sur les autres.
Concrètement, le fait religieux touche, nous disent les dirigeants, près d’une entreprise sur cinq
- Au total, un peu moins d’un dirigeant sur 5 (18%) déclare avoir déjà eu connaissance de l’expression du fait religieux de manière avérée au sein de son entreprise, ceux exerçant en Ile-de-France (23%) ou dans de très grandes entreprises (25%) étant légèrement plus nombreux à en faire l’expérience. Dans la plupart des cas, il s’agit de comportements rares ou occasionnels plutôt que d’évènements fréquents. A l’origine de l’information sur la présence de phénomènes religieux, se trouvent le plus souvent les salariés directement (79%) et, dans une moindre mesure, les cadres (49%). Par ailleurs, les dirigeants ne signalent pas une augmentation massive du fait religieux dans leur entreprise sur la période récente. Si 9% ont le sentiment que ces faits se sont développés au cours des 5 dernières années, la très grande majorité d’entre eux (88%) n’en recensent ni plus ni moins.
- Quelles sont les pratiques principales enregistrées par les dirigeants ? Deux se distinguent particulièrement : les demandes de congés liées à des fêtes religieuses qui ne seraient pas déjà un jour férié (53% des dirigeants en font état) ou des prières (48%). La pratique de la prière constituant indéniablement une pratique posant plus de difficultés internes que la demande de congés. Signes ostentatoires (27%) mais également aménagement du temps de travail pour raisons religieuses (25%) ou refus de serrer la main à une personne de l’autre sexe (24%) font également partie des faits les plus cités. Les représentants du personnel étant moins concernés par les demandes de congés, témoignent eux aussi de la préséance des prières, des signes ostentatoires ou des demandes d’aménagement du temps de travail sur les autres comportements à caractère religieux.
Gérer le fait religieux en entreprise : une volonté de dialogue avant tout
- 62% des dirigeants indiquant avoir été confrontés au fait religieux dans leur entreprise estiment avoir, avant même d’y être confrontés, entrepris une démarche d’échange et de dialogue au sein de leur entreprise sur ce sujet, qu’ils se soient entretenus avec des membres des RH ou d’autres membres de la direction (49%), avec les cadres (39%), avec les délégués syndicaux (35%) ou même les salariés (25%). 37% affirmant également avoir aujourd’hui mis en place dans leur règlement intérieur des dispositifs relatifs au fait religieux en entreprise, ce ne sont finalement que 27% des dirigeants qui indiquent n’avoir pas entrepris de démarche pour encadrer ces comportements pour le moment. Chez les représentants du personnel concernés, les réactions tendent à diverger légèrement, la majorité indiquant ne pas avoir pris la parole en amont ou, lorsque c’était le cas, avoir favorisé le dialogue avec les salariés directement.
- A l’occasion du dernier cas autour du fait religieux s’étant présenté, les dirigeants ont également majoritairement choisi le dialogue en privilégiant de convoquer la personne concernée pour échanger avec elle (47%) ou de demander une intervention des supérieurs hiérarchiques (37%) ou des Ressources Humaines (33%). Quoique leur propre réaction privilégie un dialogue sur des sanctions (seuls 12% déclarent avoir eu une démarche en ce sens), les dirigeants témoignent de réactions contrastées de la part des salariés face au dernier fait religieux en date dans leur entreprise. Ils insistent ainsi soit sur la critique qui a émané des salariés (46%), pouvant aller jusqu’à la saisie du N+1 sur le sujet (36%), soit sur une relative passivité de leur part : 42% des dirigeants estiment que leurs salariés n’ont pas eu de réaction particulière.
- Et chez ceux qui n’ont jamais connu de faits avérés, quelles réactions sont anticipées ? Force est de constater chez les dirigeants qui n’ont pas encore eu à gérer de sujet lié au fait religieux au sein de leur entreprise une plus grande propension – déclarée – à l’action. Seuls 8% estiment qu’ils ne feraient rien de particulier (contre 22% chez ceux qui ont connu des cas). Par ailleurs, ils ont tendance à citer davantage de modalités d’intervention que ce que l’on observe lorsque des faits ont réellement eu lieu. Néanmoins, ils suivent la même logique que les dirigeants ayant connu des cas et envisageraient principalement d’intervenir euxmêmes pour échanger avec le salarié concerné afin de lui rappeler les règles (76%), de saisir les RH (60%) ou de faire intervenir le supérieur hiérarchique (54%). Les représentants du personnel, quant à eux, privilégieraient également le dialogue, en s’entretenant directement avec le salarié concerné (72%) ou en ayant des échanges avec d’autres organisations syndicales ou représentants du personnel (62%).
Enquête réalisée en par téléphone du 10 au 24 janvier 2018. Échantillon représentatif de 300 dirigeants (DG, DGA, DRH, DAF…) et 103 représentants du personnel issus d’entreprises de 100 salariés et plus. Méthode des quotas et redressement appliqués aux variables suivantes : taille, secteur d’activité et région de l’entreprise
Merci de noter que toute diffusion de ces résultats doit être accompagnée d’éléments techniques tels que : la méthode d’enquête, les dates de réalisation, le nom de l’institut – Harris Interactive –, la taille de l’échantillon.
À propos de Harris Interactive
Harris Interactive France est un acteur historique du marché des études. Dirigé par ses fondateurs Nathalie Perrio-Combeaux et Patrick Van Bloeme, l’institut propose des approches innovantes, qualitatives et quantitatives, en France comme à l’international. Animé par l’énergie de la passion, porté par l’innovation et convaincu que le marché est en pleine mutation, Harris Interactive accompagne ses clients face à leurs nouveaux challenges et repense avec eux le métier des études. Depuis juillet 2014, Harris Interactive Europe (regroupant Harris Interactive France, Allemagne et UK) a rejoint ITWP permettant ainsi à ce groupe international d’étendre sa présence dans la filière études.
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