Pour être plus productif, reposez-vous !
Le verdict est sans appel : la pression et le temps de travail interminable, contrairement à une idée reçue, produisent l’effet inverse d’une performance efficace. Seul le repos permet de se régénérer et d’atteindre les sommets de productivité tant recherchés. Cependant, malgré les études qui prouvent cet état de fait, les feuilles de route managériales tardent à se montrer ouvertes à un temps de travail plus souple et à davantage de repos. En voici les principales raisons, ainsi que les bonnes pratiques à adopter pour changer notre conception du travail.
Le trop-plein de travail, réminiscence de la révolution industrielle
La productivité d’une machine augmente lorsqu’on la maintient longtemps en marche. Cette caractéristique doublement avantageuse a permis un progrès sans précédent. La transformation numérique a suivi, apportant une illusion de toute-puissance grâce à l’incroyable gain de temps qu’elle nous permet de réaliser sur des tâches autrefois chronophages. Une illusion, car l’énergie investie est toujours la même quelque soit le temps passé. Une énergie que nous sollicitons d’autant plus que la collaboration est intense (espaces partagés, travail collaboratif) et les sollicitations du travail plus présentes avec les smartphones, brouillant les dernières frontières entre temps de travail et temps de repos. Et puisque la productivité est associée à l’absence de repos dans le cas des machines, nous avons tendance à transposer, sans nous en rendre compte, ce principe aux collaborateurs humains. La surchauffe cérébrale n’est jamais loin.
Un collaborateur reposé est plus efficace
S’il est communément admis que le cerveau cesse son activité en repos, la réalité est tout autre : le cerveau est en activité permanente, même au repos*. Marcus Raichle, professeur de radiologie à la Washington University School of Medicine, baptisera cette activité le “réseau du mode par défaut”**. Essentiellement basée sur l’introspection, la projection dans l’avenir, le vagabondage de l’esprit, cette activité consomme 20% de l’énergie du corps. Elle nous permet de prendre du recul sur l’effervescence de la vie et d’avoir une meilleure capacité de prise de décision, primordiale en entreprise. Elle n’a pas uniquement lieu pendant notre sommeil : même en état d’éveil, le cerveau a besoin de temps de repos réguliers. La chaire talents de la transformation digitale, composante de Grenoble ecole de management, a ainsi mené deux études sur les effets de l’errance mentale. Il en ressort qu’un cerveau qui se repose en fait gagner à son propriétaire jusqu’à 10% de performances en plus :
La médecine du travail préconise d’ailleurs un repos de vingt minutes environ (la fameuse micro-sieste, ou “powernap”, ou un temps d’arrêt simple) après une heure d’activité, pour relancer l’activité.
Restaurer les relations humaines pour être plus productif
Crise et précarité obligent, nous nous sommes habitués à l’idée qu’il faut donner toujours plus pour nourrir non seulement nos comptes, mais également notre estime de soi, l’émulation entre collègues et le lien social. Autant d’éléments dont nous avons besoin pour travailler. Redevables envers nos employeurs ou nos clients, nous percevons le moindre arrêt de travail comme une perte de temps. Difficile de s’autoriser à rêvasser en regardant par la fenêtre dans ces conditions !
Néanmoins, une attitude basée sur le présentéisme et la surproduction est tout sauf bénéfique. Preuve en est que les Français, s’ils sont classés parmi les moins travailleurs d’Europe en termes de temps de travail dans certains secteurs, sont également les plus productifs. La France est en effet le cinquième pays d’Europe le plus productif, en termes de richesse produite par heure de travail, selon l’OCDE.
Les entreprises auront tôt fait les frais d’une exigence irréaliste : au mieux, elle mène à une contestation générale, au pire, à l’inefficacité.
Optimiser son temps de travail pour prendre le temps de…vivre !
Le travail c’est la santé, rien faire c’est la conserver : à bien y regarder, ce refrain reflète plus la réalité qu’il n’en a l’air. Si l’étymologie du travail renvoie à l’idée de “voyager vers but en franchissant des obstacles” (travel, trabajar), la productivité prend tout son sens quand on l’associe davantage à un accomplissement collectif qu’à des gains immédiats. C’est ici que les progrès réalisés grâce au numérique trouvent leur utilité.
Nous savons en effet que les outils de productivité ont pour objectif d’optimiser le temps de travail ; mais que faisons-nous du temps de travail ainsi gagné ? Le plus souvent, par automatisme peut-être, par habitude et par peur de perdre en efficacité sans doute, nous ré-investissons ce temps dans le travail, tout comme on réinvestit ses bénéfices dans d’autres activités. Nous confondons ainsi le résultat (plus de bénéfices, plus de résultats) avec le moyen (les ressources humaines). Il est donc temps de retrouver le véritable objectif de la productivité : permettre aux humains de mieux vivre leur vie, de prendre plus de temps pour eux, avec pour résultat un travail plus efficace, plus productif, plus…investi.
Pour rendre les collaborateurs plus productifs, une seule solution : encourager le repos des collaborateurs !
*Bharat Biswal, ingénieur biomédical à l’université du New Jersey, a découvert en 1992,, en travaillant sur une machine IRM, que l’activité du cerveau ne s’arrête jamais, même lorsque celui-ci est au repos*. Il est l’auteur de “Functional Connectivity in the Motor Cortex of Resting Human Brain Using Echo-Planar MRI”.
**Article paru dans les « Comptes rendus de l’Académie des sciences américaine (PNAS) »
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