Harcèlement, burn-out : un autre monde est-il possible ?

Salariés investis mais broyés dans leur quotidien, cadres dirigeants en déshumanisation coincés entre les impératifs du capitalisme et le nécessaire bien-être des personnes : le dernier film de Stéphane Brizé, « Un autre monde », illustre bien les organisations exsangues dans une période fin de covid, à l’heure de la flexibilité des modes de travail.

En 2022, le véritable enjeu RH est bien le harcèlement, notamment moral, et le burn-out.

Mais ce qui fait écho en premier lieu dans ce film n’est pas tant le harcèlement mais, de manière plus globale, la thématique de la gravité des plans économiques et la multiplication des plans de sauvegarde de l’emploi (PSE). Depuis le début de la crise sanitaire, nous constatons de plus en plus de demandes d’entreprises contraintes de réduire leurs effectifs. Forcément, cela est mal vécu par les collaborateurs, mais également par les managers. Cela engrange énormément de risques psychosociaux.

Salariés surmenés mais aussi managers pressurisés…

Lorsqu’on pense au surmenage, à la souffrance au travail et au burn-out, on a tendance à penser exclusivement aux collaborateurs. Or les managers, surtout en contexte de crise sanitaire et économique sont également touchés par les risques psychosociaux. Il est très important de s’intéresser à ces catégories de personnes car lorsque les managers sont en souffrance, leurs équipes aussi.

Les managers peuvent être pris entre deux feux, bloqués entre la pression qu’ils subissent et la nécessité de continuer à guider leurs équipes. Aujourd’hui, nous pouvons donc faire face à des managers qui craignent que leurs actions soient assimilées à du harcèlement et entrainent des risques psychosociaux.

La question du harcèlement, très présente…

Prévention, réparation… un monde de l’entreprise apaisé est-il possible ? Sans être utopique soyons plutôt optimiste. Les entreprises semblent prendre la bonne direction.

Suite à la libération de la parole concernant les violences en entreprises avec les mouvements metoo, balancetonporc ou balancetonagency, les entreprises émettent la volonté d’être accompagnées. Certaines, car elles n’ont pas d’autre choix, d’autres par acte de prévention. Nous percevons une certaine réactivité des directions dans leur volonté d’éduquer leurs collaborateurs sur le sujet. Elles acceptent, elles avancent. Elles font tout pour que cela évolue dans le bon sens. Faisons en sorte qu’elles n’aient plus à faire face à ce genre de problème.

Alors oui, en ce qui concerne la question du harcèlement, un monde de l’entreprise apaisé est possible, mais il reste encore du travail… il est nécessaire que les entreprises continuent de développer des dispositifs de sensibilisation et de prévention en interne.

Des outils pour un monde de l’entreprise enfin apaisé

Plusieurs outils et clés peuvent contribuer à l’apaisement des organisations. Voici trois axes possibles :

1.     Inviter à une attention solidaire, bienveillante et structurante :

Le climat social peut être un réel facteur de ressource pour les travailleurs lorsqu’il est apaisé. Il convient donc recréer un collectif de travail fort et solidaire entre les différents acteurs de l’entreprise. Aux organisations de travailler sur leur communication interne et sur leur prise de position, en utilisant des outils comme la communication non violente.

2.     Libérer la parole et soutenir :

L’entreprise doit être un environnement sécurisant. Plusieurs dispositifs doivent être mis en place pour que les collaborateurs puissent apporter leur témoignage sur des situations vécues. Ces dispositifs peuvent être de natures diverses : appels et remontées sécurisées (par exemple via des plateformes externes ou des dispositifs internes), sollicitations des RH et référents harcèlement.

3.     Revenir sur les bases légales et sensibiliser :

Ce qui pouvait être perçu comme normal il y a encore peu d’années n’est plus acceptable aujourd’hui. Le cadre légal est beaucoup plus sévère. Il est donc nécessaire de reposer les bases.  La sensibilisation passe par des formations à destination, des dirigeants, des managers, collaborateurs, population RH, référents harcèlement.

Eduquer et proposer des alternatives à des comportements qui pourraient s’apparenter à du harcèlement. Par exemple, pour un commentaire lié au physique : il y a une différence entre dire à son collaborateur : « j’aime beaucoup ta robe » et « cette robe met ton corps en valeur ».

L’enjeu primordial de cette sensibilisation du public (managers comme collaborateurs) est d’éduquer sans jamais juger. C’est en apprenant, constamment, que nous ferons évoluer significativement les pratiques.

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Amandine Farhat

Psychologue du travail et ergonome